Dans le giron de sa mère, puis après sa naissance, l’enfant est baigné dans un océan de sensations « psycho-tactile » où la représentation n’existe pas telle que nous la connaissons à l’âge adulte. Il est donc entièrement envahi par ses émotions et ses sensations. En grandissant, il va exprimer par des émotions (pleurs, cris, hurlements, rires, gémissements, vocalises) ses besoins et ses désirs et, en général, sa mère est touchée par les expressions émotionnelles de son enfant. Si elle porte vers son enfant des gestes tendres, l’enfant va être nourri et se baigner dans le monde symbolique de sa mère. Elle va exprimer par des gestes, des sons et nommer par des paroles, la façon dont elle est touchée et le sens qu’elle donne, en empathie avec son bébé, à ce qu’il ressent. En même temps la mère lui transmet ce qu’elle ressent de ce qu’elle comprend de l’émotion de son enfant. Se crée alors un lien d’attachement dit « sécure ».
C’est donc d’abord au contact du monde symbolique maternel que l’enfant va commencer à interpréter ses sensations et ses émotions : « j’ai faim », « j’ai froid », « j’ai besoin d’un câlin », bien avant de savoir parler. De là, l’importance d’une empathie et d’une interprétation suffisamment bonne de la part de la mère au sujet du vécu de son enfant. Une succession de significations fausses, prêtées sur son enfant, peut engendrer souffrances et pathologies psychiques.
Qu’elle soit proche, loin ou absente, le bébé est entièrement dépendant de sa mère. Et il lui en veut dès qu’elle ne répond pas à ses manifestations (rage, colère, fureur…). Très tôt, les premières insatisfactions apparaissent: le biberon en retard, maman trop loin, besoin du contact peau à peau, besoin d’être propre… et c’est incontournable et nécessaire pour apprendre à symboliser peu à peu l’objet de soin à l’intérieur de lui.
Si elle lui donne les soins, le contient dans ses accès de colère, de rage, accueille ses joies et verbalise tout au long de leurs rencontres les expériences de leur vie. C’est par les absences répétées de la mère qu’au fur et à mesure l’enfant va apprendre à apprendre.
La mère passe donc d’objet contenant à un objet à contenir en soi. Elle crée une enveloppe de sécurité pour que l’enfant apprenne peu à peu à se sentir à son tour en sécurité. L’enfant fera aussi une expérience essentielle, celle de reconnaître son objet d’amour comme un être entier et non comme un objet partiel, tout bon ou tout mauvais. Il comprend peu à peu que maman est aussi une personne avec ses besoins et ses désirs qui ne sont pas toujours tournés vers lui.
D. Stern dit que se sont la musique et les sons qui comptent et non les paroles. La maman « se sert de la musique de sa voix comme d’une couverture pour envelopper […], l’apaiser ou, du moins, pour qu’il tienne bon jusqu’au moment où il pourra téter. Puis, ralentissant peu à peu son rythme musical pour calmer l’agitation du bébé, la maman s’approche et soulève son enfant pour lui donner le sein en nommant cette nouvelle expérience. Le contact est le deuxième élément de l’enveloppe. Ensuite vient le changement de position, où la mère blottit son enfant contre son ventre et au creux de son cœur, la tête nichée dans son épaule. Enfin, le mouvement pour changer l’enfant de position est le quatrième élément de l’enveloppe. Elle le berce, le caresse, le fait évoluer dans l’espace. »[1] Il nomme cette incarnation du lien primaire un processus d’accordage affectif.
Bibliographie
[1] D. Stern, Journal d’un bébé, Edition Calmann Lévy, 1992, p. 55.